François Hollande compte sur les régions pour son plan de formation. Il se dit prêt à «modifier la loi» pour «étendre les compétences» alors que des présidents de régions veulent régionaliser Pôle emploi. Il y a un an, le gouvernement en avait pourtant écarté l’idée…
Si vous n’en aviez pas eu assez de la réforme territoriale, le gouvernement va peut-être vous en resservir un peu. Cette fois, l’exécutif passe par le biais du plan pour l’emploi et la formation dont François Hollande a présenté les grandes lignes lundi matin. Si mois seulement après la fin de l’examen du texte sur les compétences des collectivités, le chef de l’Etat semble prêt à en accorder de nouvelles aux grandes régions créées il y a un an. « Je sais que les présidents des régions souhaitent faire des propositions, voire expérimenter de nouveaux dispositifs. Le gouvernement est prêt à faciliter toutes les expérimentations possibles, et même à modifier la loi si c’est nécessaire pour étendre les compétences de ces grandes collectivités » a affirmé François Hollande. François Hollande va d’abord faire un état des lieux des besoins « dans chaque région ». Il réunira début février avec Manuel Valls « les présidents de région, les acteurs sociaux, les préfets et le service public de l’emploi pour convenir des modalités pratiques de cette mobilisation ». La semaine dernière dansL’Obs, le secrétaire d’Etat à la Réforme territoriale, André Vallini, a dit vouloir « aller plus loin encore » sur le rôle des régions en matière d’emploi.
Xavier Bertrand, nouveau président Les Républicains de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, souhaite pouvoir expérimenter la régionalisation de Pôle emploi. Dans une interview aux Échos ce lundi, il se dit prêt à travailler avec le gouvernement pour faire reculer le chômage. « Si l’Etat peut nous aider, je me moque de la couleur politique du gouvernement » explique-t-il. Il souhaite également pouvoir expérimenter un nouveau service aux chômeurs, « Proch’emploi », qu’il a proposé lors de sa campagne. « Régionaliser » la politique de l’emploi, c’est aussi la proposition du président PS de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, Alain Rousset.
« L’emploi doit rester de la prérogative de l’Etat » (Manuel Valls, décembre 2014)
Les volontés d’aller plus loin sont là. L’exécutif semble vouloir avancer. Il y a un an, le gouvernement était pourtant moins « prêt à faciliter toutes les expérimentations possibles », comme a dit ce matin François Hollande. En décembre 2014, André Vallini s’était déclaré favorable à l’expérimentation de la régionalisation de Pôle emploi. « Il y aurait une vraie cohérence à donner aux régions tout ce qui concerne l’emploi » avait-il expliqué à l’agence AEF. Il avait évoqué des mises à disposition de personnels de Pôle emploi « à titre expérimental, pour les régions volontaires ». Mais quelques jours après, Manuel Valls avait clairement écarté cette hypothèse. « L’emploi doit rester de la prérogative de l’Etat » avait tranché le premier ministre, tout en souhaitant améliorer la concertation avec les régions. Le ministre du Travail, François Rebsamen, qui plaidait pour une ligne plus centralisatrice, avait alors remporté l’arbitrage.
La majorité sénatoriale, de droite et du centre, plaidait elle pour cette régionalisation. Un amendement avait été déposé en ce sens. Le sénateur LR de la Marne, René-Paul Savary, avait notamment plaidé pour ce transfert de compétence supplémentaire. Le président de la Haute assemblée, Gérard Larcher, défendait lui-même cette mesure. « Dans une région qui se voit donner complètement la formation professionnelle, pourquoi ne pas expérimenter la dimension emploi ? Sachant que la partie indemnisation du chômage restera de compétence nationale. (…) Moi, qui ai été ministre du Travail, je dis il faut que nous expérimentions, notamment une délégation aux régions » avait-il affirmé fin 2014 à Public Sénat. Regardez :
Pléthores de dispositifs d’accompagnement vers l’emploi et manque d’efficacité
La loi NOTRe a déjà donné de nouveaux leviers aux régions, notamment avec le Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CREFOP), une instance de coordination de ces champs sur la région. Le texte donne aussi aux régions la délégation de l’animation de tous les acteurs de l’emploi, hormis… Pôle emploi. Les députés l’avaient exclu.
Il existe pléthores de dispositifs d’accompagnement vers l’emploi des chômeurs dans les collectivités, notamment au niveau communal (missions locales, maisons de l’emploi, Cap emploi, plan locaux d’insertion vers l’emploi). Les doublons existent et le fonctionnement n’est pas optimal. L’idée pourrait être de mieux coordonner les dispositifs pour plus d’efficacité. La coordination entre les régions et les Pôles emplois régionaux pourraient aussi être améliorée.
Pression des nouvelles grandes régions
Si l’exécutif passe à nouveau par la loi, il pourrait aller au-delà de la délégation pour aller vers la régionalisation de Pôle emploi, refusée il y a un an. Si le sujet n’était pas mûr l’année dernière, il semble l’être aujourd’hui. Entre temps, les régionales avec un FN au plus haut sont passées par là. Les nouvelles grandes régions aux prérogatives renforcées et aux territoires élargis voient leur poids politique augmenter. Leurs présidents fraichement élus entendent se faire entendre.
Pour Alain Rousset, ce nouveau transfert est indispensable pour tenir l’objectif du plan de 500.000 chômeurs en formation. « Il ne pourra être tenu qu’en donnant des moyens supplémentaires aux régions. Si on reste sur un modèle centralisé, on n’y arrivera pas » prévient-il ce lundi dans La Croix. Il ajoute : « Il est temps d’adopter une nouvelle organisation, en confiant le pilotage de cette politique aux régions, au moins par expérimentation, avec des contrats d’objectifs et de moyens. J’en ai parlé directement avec le premier ministre (la semaine dernière, ndlr). Mais il y a des oppositions de l’appareil d’Etat et de certains syndicats de Pôle emploi ». La lutte contre le chômage demande toujours beaucoup de travail.
Source : Régionalisation de Pôle emploi : vers une volte-face du gouvernement ? | Public Sénat